Un plan de relance pour stimuler le génie civil européen

En 2021, les 19 pays européens ¹, affiliés au réseau indépendant de prévisions du marché de la construction Euroconstruct (cf. encadré), ont investi au total 400 milliards d'euros dans des projets de génie civil. A titre de comparaison, cela représente des investissements équivalents au PIB de l'Autriche. Le marché européen du génie civil est certes deux fois moins important que celui de la construction résidentielle, mais il s'est récemment développé de manière plus vigoureuse et surtout plus stable. Alors que les investissements dans le secteur de la construction ont diminué d'environ 6 % en 2020, le secteur européen du génie civil a bravé la crise du COVID-19 et n'a enregistré qu'une légère baisse des investissements par rapport à l'année précédente (cf. G 13).

Solidité du secteur de génie civil

Cette résistance du secteur des travaux publics s'explique d'une part par la nature à long terme des projets d'infrastructure. En effet, les grands projets planifiés de longue date et déjà attribués dans le cadre des marchés publics ont été poursuivis malgré la crise du COVID-19. Le fait que ces projets étaient souvent des chantiers en plein air, où le risque de contagion du COVID-19 était moindre, a également contribué à cette situation.

D'autre part, tant dans l'UE qu'en Suisse, ces investissements dans les infrastructures sont financés en grande partie par des fonds d'infrastructure affectés, en plus du budget de l'UE et des budgets nationaux. Grâce à ce financement affecté, les investissements dans le génie civil se dissocient des mesures fiscales dites discrétionnaires, qui influent de manière ciblée sur l'évolution conjoncturelle et garantissent ainsi des investissements stables en permanence.

Le plan de relance de l'UE donne une nouvelle impulsion

Aujourd'hui, le programme « Next Generation EU » (NGEU) - un plan de relance massif de la Commission européenne - apporte un nouvel élan au secteur de la construction dans l'UE. L'instrument de construction temporaire a été introduit en février 2021 pour stimuler la reprise socio-économique après la crise de COVID-19. Le budget de 807 milliards d'euros ² financera, entre 2020 et 2023, les investissements de réforme des États membres de l'UE qui favorisent la durabilité, la numérisation et la résilience. Ce sont des fonds supplémentaires équivalant à deux tiers du budget régulier de l'UE qui seront injectés dans l'espace économique, et en partie aussi dans le secteur de la construction, grâce à ce programme.

Afin d'atteindre les objectifs climatiques fixés par la Commission européenne, le programme NGEU met l'accent sur la transformation vers la neutralité climatique. Le secteur de la construction a également un rôle important à jouer. En effet, l'injection de fonds doit notamment permettre de moderniser le parc immobilier sur le plan énergétique, d'étendre les réseaux de transport ferroviaire et de les mettre en conformité avec l'état actuel de la technique, ainsi que de faire avancer les installations de production d'énergie durable. Selon les plans de réforme et d'investissement des pays de l'UE, environ 40% des fonds demandés seront investis dans la transformation verte. Selon le plan de développement d'un pays, une part considérable de cette somme devrait être consacrée à des investissements dans la construction.

Quelles sont donc les impulsions que l'on peut attendre des fonds du NGEU pour les secteurs européens du génie civil ? Selon les estimations d'Euroconstruct, le génie civil en Italie et en Espagne devrait particulièrement profiter de ces moyens financiers supplémentaires. En effet, ces deux espaces économiques particulièrement malmenés font partie, avec près de 70 milliards d'euros de subventions accordées chacun, des principaux bénéficiaires du pot de subventions du NGEU, external pagequi représente près de la moitié du programme NGEUcall_made ³ (338 milliards d'euros ⁴). Euroconstruct prévoit que les investissements en génie civil augmenteront globalement de 22 % en Espagne et de 18 % en Italie sur la période 2021-2024. Ces importants potentiels de croissance s'expliquent également par le développement récemment inférieur à la moyenne des deux secteurs du génie civil.

L'adversité réduit le potentiel

Les prévisions sont toutefois entachées d'une grande incertitude. Les obstacles à l'exploitation complète des possibilités financières disponibles sont multiples. D'une part, des difficultés politiques et bureaucratiques se profilent déjà à l'horizon. En effet, en Italie par exemple, une grande partie des fonds est attribuée aux communes. Mais les projets et les montants d'investissement sont si importants et l'horizon temporel accordé si court qu'il devient difficile pour les petites unités administratives de réunir les capacités de planification nécessaires. En Espagne, les processus bureaucratiques ralentissent déjà l'avancement des premiers projets lancés et, parallèlement, des critiques se font entendre sur la transparence.

Deuxièmement, les conditions actuelles extrêmement difficiles du marché affaiblissent les effets du programme : la forte hausse des prix des matériaux de construction et de l'énergie dans toute l'Europe ainsi que la pénurie de matériaux et de main-d'œuvre freinent l'activité de construction. En effet, d'une part, cela entraîne une incertitude accrue en matière de planification, ce qui complique l'élaboration de projets d'infrastructure à long terme. D'autre part, l'inflation des prix de la construction réduit les prestations de construction effectives qui peuvent être financées avec les fonds.

Il est clair que le plan de relance du GENEU, en plus des moyens financiers provenant du budget ordinaire de l'UE et des budgets nationaux, donnera un coup de pouce supplémentaire à l'extension et à la modernisation des infrastructures européennes. Mais l'effet de la stimulation des investissements européens dans le génie civil risque de souffrir d'un contexte défavorable.

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¹ Définition "EC19" selon Euroconstruct (voir encadré) : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Irlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède, Suisse.

² Aux prix actuels.

³ Environ 385 milliards d'euros sont des crédits.

⁴ Toujours aux prix actuels.