Numérisation : les petites entreprises sont-elles laissées pour compte ?
Big Data, Chat GPT, réalité virtuelle - l'intelligence artificielle (IA) est omniprésente. Mais toutes les entreprises n'en profitent pas de la même manière. Alors que les entreprises se sont digitalisées dans les années 2020-2022, de nombreuses PME sont à la traîne. De plus, la combinaison de l'IA et du big data a laissé un potentiel inexploité – ce qui pourrait impacter la compétitivité à long terme. Voici l'essentiel de notre nouvelle étude sur le paysage de l'innovation en Suisse.

En résumé
L'écart se creuse : le big data est utilisé par 20% des petites entreprises et 60% des grandes. L'IA est utilisée par un peu plus de 8% des petites entreprises, alors qu'elle l'est déjà par plus d'une entreprise sur trois parmi les grandes.
Indépendamment de la numérisation, les coûts élevés sont toujours cités comme étant le plus grand obstacle à l'innovation. Le manque de main-d'œuvre qualifiée, les règles de construction et l'aménagement du territoire sont venus s'ajouter à cette liste.
Un net décalage se dessine au sein des grandes entreprises. La part du chiffre d'affaires consacrée aux dépenses de R&D diminue, tandis que la part des entreprises qui innovent reste constante. Cela indique un degré d'innovation moins important. De fait, le succès commercial des produits et services innovants, mesuré à la part de chiffre d'affaires des innovations, est en baisse depuis 2016. La tendance à la baisse est particulièrement marquée pour les nouveautés du marché.
L'essor de la numérisation durant la pandémie a surtout été motivé par un plus grand savoir-faire des employés, et moins par des parts d'investissement plus élevées dans le matériel et les logiciels. C'est ce que suggèrent les chiffres de la nouvelle étude de la nouvelle enquête sur l'innovation du KOF : entre 2020 et 2022, les entreprises ont continué à consacrer environ 17% de leurs investissements totaux aux technologies de l'information et communication (TIC). Toutefois, davantage de spécialistes ont été formés et perfectionnés dans ces domaines.
Les grandes entreprises ont une longueur d'avance
L'enquête montre également que l'utilisation du big data et de l'IA a nettement augmenté dans l'ensemble. Ces technologies sont surtout utilisées pour automatiser les flux de travail et les processus. Il existe toutefois un fossé entre les petites et les grandes entreprises en matière d'utilisation. Le big data est utilisé par 20% des petites entreprises et 60% des grandes. La situation est similaire pour l'IA où un peu plus de 8% des petites entreprises y ont recours, alors que c'est déjà le cas de plus d'une entreprise sur trois parmi les grandes. Reste à savoir si Chat GPT et les changements rapidement mis en œuvre depuis sa sortie il y a un peu plus de deux ans parviendront à combler ce fossé.
L'une des clés pour obtenir un avantage concurrentiel est de combiner le big bata et l'IA. Jusqu'à présent, moins de 5% des entreprises utilisent l'IA pour évaluer et analyser de grandes quantités de données. Le manque de savoir-faire, d'infrastructure ou de qualité des données pourrait constituer un frein. Si les entreprises utilisent l'IA, environ un tiers d'entre elles l'adaptent aux besoins spécifiques de l'entreprise. Un quart d'entre elles utilisent des logiciels d'IA développés ou modifiés par leurs propres collaborateurs ou par des fournisseurs externes. L'étude montre par ailleurs que l'IA est surtout présente dans les secteurs à plus forte valeur ajoutée. Cela indique un lien positif avec la compétitivité d'une entreprise.
Le paysage suisse de l'innovation, un roc au cœur de la tempête
Si l'on considère non seulement la numérisation, mais aussi le degré d’innovation de l’économie Suisse, on constate que le paysage de l'innovation est stable, mais différencié. Malgré une forte concurrence internationale de plus en plus marquée et les difficultés liées aux années de pandémie, les entreprises ont réussi à maintenir le succès de leurs produits et services innovants au niveau de ces dernières années. Entre 2020 et 2022, la part des entreprises qui pratiquent activement la recherche et le développement (R&D) a toutefois légèrement diminué. La part des dépenses de R&D dans le chiffre d'affaires a également évolué de manière moins dynamique qu'auparavant. Ainsi, le degré de concentration des activités de R&D dans l'économie suisse, élevé en comparaison historique, s'est consolidé, ce qui est surtout dû à l'évolution des entreprises de moins de 50 employés. En revanche, les entreprises de 50 à 100 employés ont été plus enclines à prendre des risques en termes de R&D et à investir davantage.
Le secteur de la haute technologie joue un rôle important dans la performance d'innovation de la Suisse. Or, c'est précisément dans ce secteur que le paysage de l'innovation semble évoluer. La proportion d'entreprises innovantes et actives en R&D est la plus élevée dans ce secteur. Les dépenses de R&D y sont également à nouveau relativement les plus élevées. Le succès commercial des produits innovants est toutefois plus faible que dans les services modernes. Cela indique une concurrence internationale intense, qui exige d'une part des efforts d'innovation accrus, mais qui réduit d'autre part le succès commercial des produits innovants.

Pression des coûts sur les petites PME
Pour la première fois depuis la période étudiée de 2014 à 2016, les innovations de processus visant à réduire les coûts de production ont augmenté dans les petites PME. La pression sur les coûts a de nouveau augmenté pour de nombreuses entreprises. En revanche, pour les plus grandes PME (100 à 250 employés) et les grandes entreprises de plus de 250 employés, la part des entreprises ayant mis en place des innovations de processus visant à réduire les coûts continue de diminuer. Dans les grandes entreprises, l'ampleur des économies réalisées sur les coûts de production est même en recul depuis quelques temps. Soit la pression sur les coûts a diminué, soit il est devenu nettement plus difficile de réaliser des économies supplémentaires sur les coûts de production.
Les coûts élevés ont également été le plus souvent cités comme un obstacle à l'innovation lors de l'enquête. Ce qui était déjà le cas par le passé. Le manque de main-d'œuvre qualifiée et, surtout, les règles de construction et l'aménagement du territoire sont venus s'ajouter à cette liste. Ils arrivent en deuxième et troisième position des principaux obstacles.
De moins en moins d'innovations majeures
On constate un net déplacement des activités d'innovation au sein des grandes entreprises. Depuis quelques temps, la part du chiffre d'affaires consacrée aux dépenses de R&D diminue nettement, alors que la part des entreprises innovantes reste constante. Cela indique un degré d’innovation moins marqué. En effet, le succès commercial des produits et services innovants, mesuré à la part du chiffre d'affaires consacrée à l'innovation, est en baisse depuis 2016. La tendance à la baisse est particulièrement marquée pour les parts de chiffre d'affaires des nouveautés sur le marché (innovations radicales), c'est-à-dire des produits et services présentant un important degré d'innovation et qui apportent généralement des avantages concurrentiels, du moins à court terme.
Promotion de l'innovation avec de nouveaux instruments
Le niveau de proportion d'entreprises innovantes s'est stabilisé à un niveau élevé à la suite de la très forte augmentation d'entreprises ayant bénéficié de l'aide à l'innovation. Cette évolution dynamique est principalement due à l'encouragement cantonal. Depuis 2020, d'autres instruments d'encouragement sont disponibles avec la déductibilité fiscale des dépenses de R&D et la « patent box ». Il est également frappant de constater qu'environ un quart des entreprises innovantes jugent très négatif ou négatif le changement de statut d'association de la Suisse à Horizon Europe.
Vers l'étude
Des chercheurs du KOF ont réalisé, sur mandat du Secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI), des enquêtes sur l'innovation, portant sur l'état de la numérisation et son utilisation par les entreprises en Suisse. Ces enquêtes sont réalisées tous les deux ans depuis les années 1990.
Retrouvez ici l'étude dans son intégralité :
external page www.innovationserhebung.ch
Classé: "De l'air à revendre"
Un commentaire de Prof. Dr. Martin Wörter, Directeur de la recherche Économie de l'innovation
"La performance d'innovation de l'économie privée est un pilier essentiel de la compétitivité et de la prospérité de notre pays. La politique économique serait bien inspirée de mettre en place des conditions-cadres aussi optimales que possible pour la recherche et le développement (R&D) ainsi que pour les activités d'innovation dans tous les domaines de la société. Dans ce domaine, il y a encore de la marge. En effet, un coup d'œil sur les obstacles montre qu'outre les coûts élevés de l'innovation, la pénurie de main-d'œuvre qualifiée et surtout les règles de construction et l'aménagement du territoire ont nettement gagné en importance en tant que freins à l'innovation.
Mais ce n'est pas tout. C'est surtout dans le domaine de la haute technologie, important pour la Suisse, que la concurrence internationale s'est intensifiée. Cela se traduit également par le fait que la part des dépenses de R&D dans le chiffre d'affaires a augmenté, alors que le succès commercial des produits innovants a diminué ; davantage de dépenses pour un rendement moindre indique des avantages concurrentiels moindres grâce aux efforts de R&D ou des durées d'amortissement plus longues des produits innovants. long terme, cela pourrait remettre en question la viabilité financière de la R&D interne et augmenter le risque d'innovation, en particulier pour les petites PME. Cela peut encourager la concentration des activités de R&D dans des entreprises plus grandes. Cela réduit à son tour la "capacité d'absorption" de l'économie privée suisse dans son ensemble, d'autant plus que les activités de R&D internes aux entreprises sont souvent la condition préalable à l'identification et à l'exploitation du potentiel des nouveaux développements dans l'environnement concurrentiel ou dans les hautes écoles. L'encouragement de l'innovation peut contribuer à maintenir la capacité d'absorption de l'économie privée à un niveau élevé.
Et c'est effectivement le cas, comme le montre la dernière étude d'évaluation de l'encouragement de projets par Innosuisse. Elle augmente de manière significative le nombre d'employés et le chiffre d'affaires innovant dans les entreprises soutenues.

«Le cadre réglementaire encore incertain actuellement Les conditions de travail n'aident certainement pas à de développer et d'utiliser au plus vite ce savoir-faire dans les entreprises.»Martin Wörter, Directeur de la recherche Économie de l'innovation![]()
En outre, les parcs d'innovation et, plus récemment, la déductibilité fiscale accrue des dépenses de R&D (au niveau cantonal) ont également le potentiel de renforcer la force d'innovation. Mais la politique est également sollicitée à un autre niveau. Le potentiel commercial des innovations ou la perspective de croissance des entreprises est une motivation essentielle pour investir dans la R&D et les activités d'innovation. Un accès sans friction aux grands débouchés mondiaux (UE, États-Unis, Asie) est donc une condition essentielle pour l'attractivité de la Suisse en tant que lieu d'innovation.
La numérisation, et notamment les récents développements dans l'analyse des données volumineuses par le biais de l'intelligence artificielle, est également un moteur essentiel de la force d'innovation. Le potentiel est énorme et concerne de nombreux secteurs de l'économie. Tant la disponibilité de grandes quantités de données que le savoir-faire pour développer l'intelligence artificielle de manière spécifique à l'entreprise seront décisifs pour pouvoir obtenir des avantages concurrentiels avec ces technologies. Cela va bien au-delà des "Large Language Models" comme ChatGPT. Les conditions-cadres réglementaires encore incertaines actuellement n'aident certainement pas à développer ce savoir-faire le plus rapidement possible dans les entreprises et à le mettre en pratique.
à utiliser".
Littérature relative à ce commentaire :
Hulfeld, F., Spescha, A., Woerter M. (2024). Funding R&D Cooperation Between Firms and Universities - The Effectiveness of the Innosuisse Model. KOF Working Paper No. 522 12/2024, KOF Swiss Economic Institute, Zürich. external page https://doi.org/10.3929/ethz-b-000708831
LA PRATIQUE - ce qu'en disent les entreprises
Utilisez-vous l'IA dans votre entreprise ?
Depuis 2024, nous utilisons l'IA principalement sur une base individuelle. GenAI et ChatGPT nous aident à traduire, à résumer, à rédiger des rapports ou à programmer. Copilot Pro nous aide à accomplir des tâches quotidiennes mineures, comme le traitement des e-mails. Nous travaillons actuellement sur un chatbot interne. Dans certains projets, nous étudions également l'utilisation de l'IA, par exemple la reconnaissance d'images dans le domaine du conseil.
Quels avantages concrets l'IA apporte-t-elle à votre entreprise ?
Jusqu'à présent, les avantages sont limités. Il s'agit avant tout de familiariser tous les employés avec l'IA afin d'identifier les potentiels futurs.
Quels sont vos objectifs en matière d'IA ?
Nous sommes en train de mettre en place un système de gestion de l'innovation à l'échelle de l'entreprise. Cela comprend une stratégie de numérisation ainsi qu'un radar technologique qui doit identifier les domaines d'application pertinents de l'IA pour Andermatt Biocontrol Suisse.
Combinez-vous le Big Data avec l'IA ?
Non. Les principaux obstacles sont le manque de savoir-faire interne, le volume d'investissement, mais aussi la structure et la qualité des données disponibles.
Interrogé par: Heiri Wandeler, directeur du département Production, R&D, Technique, Andermatt Biocontrol
Utilisez-vous l'IA dans votre entreprise ?
L'IA est un outil très important pour nous. En interne, nous l'utilisons principalement pour accroître l'efficacité. Dans le développement de logiciels, notre activité principale, tous nos ingénieurs disposent d'outils d'IA qui leur permettent d'être 10 à 30 % plus efficaces. Cela signifie que nous pouvons développer des solutions logicielles moins chères et de meilleure qualité pour nos clients. Tous les employés ont également accès à notre CudosGPT, un outil similaire à ChatGPT, mais qui est sécurisé et a accès à nos données internes.
Notre assistant IA, que nous utilisons pour le contrôle de projet, est également très cool.
Il a accès à nos données de pointage et à notre comptabilité ; il peut contrôler les factures et évaluer les projets. Cela nous fait gagner plusieurs heures par mois. Pour nous, l'IA est également devenue un domaine d'activité à part entière. Nous pouvons transmettre aux entreprises ce que nous avons testé pour nous-mêmes.
Votre vision ?
Le développement rapide va se poursuivre. Les domaines dans lesquels l'IA peut être utilisée de manière judicieuse se multiplient presque chaque jour. Nous nous voyons à l'avenir comme des experts en IA et des facilitateurs qui aident les entreprises en Suisse à devenir meilleures, plus rapides et moins chères grâce à l'IA. L'IA est un accélérateur de la numérisation : comme la numérisation devient moins chère, les entreprises se mettent soudainement à s'attaquer à de nombreux sujets qui auraient dû être numérisés depuis longtemps.
Combinez-vous le Big Data avec l'IA ?
Oui. Nous développons nos propres algorithmes, que nous entraînons et testons avec les données. Et nous utilisons l'IA comme outil de requête pour le Big Data.
Interrogé par: Reto Bättig, PDG de Cudos AG, 60 employés
«L'intelligence artificielle et le big data vont jouer un rôle important en Suisse, car ils deviendront incontournables dans le secteur des services. Les entreprises de production telles qu'Andermatt Biocontrol Suisse vont également adopter ces deux technologies. Les domaines d'application justifiés, cependant, seront un peu moins rapides et moins étendus.»Heiri Wandeler
«Mettez-vous au travail ! Ne vous lancez pas dans des projets pharaoniques, mais constituez de petites équipes qui génèrent des bénéfices rapidement et à moindre coût. Nous devons commencer dès maintenant à apprendre à utiliser l'IA et à préparer l'infrastructure, les interfaces et les bonnes données pour l'avenir. Attendre n'est pas une option.»Reto Bättig
Contacts
KOF Konjunkturforschungsstelle
Leonhardstrasse 21
8092
Zürich
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