Incidences éventuelles du référendum sur le Brexit pour le Royaume-Uni, l’Union européenne et la Suisse

Selon les sondages d’opinion, partisans et adversaires d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sont aux coudes à coudes (cf. G 1). Le présent article s’intéresse aux incidences éventuelles d’un retrait, pour le Royaume-Uni, l'UE et la Suisse.

Quelle Shutterstock
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L’AIECE a sollicité l’opinion de ses membres, dont le KOF, dans le cadre d’un rapport interne au sujet du Brexit. Les instituts estiment la probabilité d’un retrait entre 25 à50%. Les répercussions économiques d’un retrait sont jugées négatives par une majorité des instituts aussi bien pour le Royaume-Uni que pour l’Union européenne.

L’incertitude pèse sur les investissements

Indépendamment des conséquences d’une sortie éventuelle, les premiers effets négatifs se font déjà sentir, en raison de la grande incertitude liée à l’issue du scrutin et à ses incidences.
Ainsi, les investissements productifs bruts ont sensiblement fléchi. La livre sterling a cédé environ 7% de sa valeur depuis fin 2015 par rapport aux monnaies des principaux partenaires commerciaux du Royaume-Uni, et la volatilité implicite des contrats à terme est telle qu’elle ne l’avait plus été depuis la crise financière. Un scrutin en faveur du maintien dans l’UE devrait à nouveau réduire l’incertitude, susciter une appréciation de la livre et favoriser un regain des activités d’investissement au second semestre 2016 en raison des effets de rattrapage.

En cas de sortie : difficultés politiques …

Si le peuple britannique opte pour une sortie, un processus de deux ans s’amorcera, durant lequel il faudra renégocier les relations économiques et politiques du Royaume-Uni et de l’UE. Parmi les étapes concevables permettant d’assurer un accès simplifié au marché intérieur européen figurent une adhésion à l’Espace économique européen (EEE), des accords bilatéraux ou un accord de libre-échange avec l’UE. Comme le montrent les exemples de la Norvège et de la Suisse, ces scénarios seraient toutefois, selon toute vraisemblance, assortis de certaines conditions, telles que la libre circulation des personnes et l’adoption de réglementations de l’UE. Afin de ne pas créer de précédent, l’UE sera peu encline à faire beaucoup de concessions au Royaume-Uni. De plus, en tant que pays isolé, le Royaume-Uni aurait une position de négociateur moins avantageuse et jouerait un rôle de figurant en cas de négociations régionales de libre-échange telles que le Partenariat transatlantique de libre-échange (TTIP). Un Brexit pourrait aussi relancer en Ecosse les partisans d’une sortie du Royaume-Uni et une adhésion à l’UE.

Il est encore plus difficile d’évaluer les répercussions politiques d’une sortie pour l’UE. D’une part, le retrait du Royaume-Uni (pays souvent considéré comme un frein à la poursuite de l’intégration européenne) pourrait avoir pour effet que les pays restants s’intègrent davantage. D’autre part, le Brexit pourrait constituer un signal, et d’autres pays pourraient mener une politique plus sceptique vis-à-vis de l’intégration ou opter eux-mêmes en faveur d’une sortie. La majorité des instituts de l’AIECE consultés estiment qu’un Brexit aurait un impact négatif sur la poursuite de l’intégration européenne. Il se peut toutefois que les incidences mentionnées ne soient pas du tout contradictoires : si une sortie de l’UE entraînait d’autres retraits, les pays restants s’intégreraient politiquement d’autant plus.

... Et un impact négatif sur l’économie

Une méta-étude de l’institut allemand de Cologne montre que les répercussions d’un Brexit sont considérées comme négatives par une grande majorité des études scientifiques recensées, même dans des scénarios d’accès facilité au marché intérieur, et qu’elles pourraient même être sous-estimées. Le National Institute of Economic and Social Research analyse, de son côté, les incidences économiques qu’un abandon total de l’accord de libre-échange avec l’UE aurait pour l’économie britannique. Dans le cas d’un scénario « Leave » par rapport à un scénario « Stay », les auteurs chiffrent le recul de la production économique à 1% en 2017 et à 2-3 % les années suivantes. L’appréciation escomptée de la livre sterling devrait en outre faire grimper les taux d’inflation, ce qui réduirait la marge de manœuvre de la Bank of England. Selon le scénario, la réduction à long terme des exportations pourrait atteindre 29% et celle des investissements directs à l’étranger, 24%. Les effets positifs sur la croissance économique seraient plutôt observés sur le long terme, comme le suggère une étude de l’Institute of Economic Affairs. D’après les auteurs, la disparition d’une partie du fardeau des réglementations et le regain de souplesse dans la négociation des accords de libre-échange et de libre circulation des personnes en particulier pourraient accroître à long terme le potentiel de production.

L’UE également pourrait ressentir les effets négatifs d’une sortie du Royaume-Uni de l’Espace économique européen, même si l’on ne peut que spéculer sur leur ampleur. Les pays entretenant les relations commerciales les plus étroites avec le Royaume-Uni, par exemple l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et la Belgique, devraient le plus souffrir du Brexit. À long terme, le Brexit pourrait avoir pour conséquence plus importante de compromettre l’équilibre traditionnel du pouvoir politico-économique (avec le Royaume-Uni comme pôle libéral, la France comme pôle étatique et l’Allemagne au centre). Il se pourrait donc que l’UE, en l’absence du Royaume-Uni, suivent une politique plus étatique et plus interventionniste.

Incidences pour la Suisse

Un Brexit pourrait influer sur les négociations prochaines entre la Suisse et l’UE concernant les accords de libre circulation des personnes et la mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration de masse. D’une part, il est possible que la Suisse puisse s’associer au Royaume-Uni et à d’autres pays dans les négociations avec l’UE, pour obtenir un résultat aussi bon que possible. L’intérêt commun serait un accès sans entrave au marché intérieur de l’UE, sans libre circulation des personnes, ni intégration politique. D’autre part, dans le but de se préserver, l’UE pourrait avoir à cœur de démontrer l’inopportunité de solutions isolées, afin de réduire l’envie de retrait dans d’autres pays. Par conséquent, l’UE pourrait adopter une ligne dure dans les négociations des relations futures avec le Royaume-Uni. Et par souci de cohérence, elle pourrait faire de même dans les négociations avec la Suisse. Comme la Suisse présente un plus faible pouvoir de négociation et un crédit politique moindre que le Royaume-Uni, elle pourrait obtenir dans ce cas un résultat encore moins bon que ce dernier. On ne peut exclure le risque que l’UE fasse de la Suisse un exemple dissuasif.

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