Mesure de l’incertitude

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Bien des éléments suggèrent que l’incertitude exerce une influence négative sur l’évolution de l’économie nationale. Mais comment la mesurer ? Dans le cadre d’un projet du Fonds national suisse (FNS), le KOF a évalué divers indicateurs de l’insécurité applicables à la Suisse.

Source: Shutterstock
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Si l’on voulait résumer en un mot le sentiment prédominant actuellement dans le monde occidental, l’incertitude serait sans doute un candidat tout désigné. L’incertitude ou l’insécurité générale se présente sous la forme de décisions populaires telles que le Brexit, de conflits armés au Proche-Orient, de l’EI ou d’élections telles que les prochaines présidentielles aux États-Unis. La subjectivité et les attentes jouent un rôle important à cet égard. Un sentiment d’incertitude a également des incidences négatives sur le plan économique : les consommateurs attendent avant d’acheter, les entreprises ajournent leurs investissements et leurs programmes d’embauche. Pourtant, notre conception de l’incertitude et sa quantification restent très vagues. Pour cette raison, le KOF étudie, dans le cadre d’un projet de recherche financé par le Fonds national suisse (FNS), comment définir dans l’absolu et mesurer l’incertitude économique.

Le terme d’insécurité possède une connotation plutôt négative. Nous associons l’accroissement de l’incertitude avec l’augmentation de la probabilité que l’issue d’un événement sera plus négative que prévu. Dans le domaine économique, l’incertitude se réfère également à nos attentes. Les économistes la définissent toutefois comme la variance de nos attentes, c’est-à-dire que, au sens économique, un accroissement de l’incertitude n’augmente pas seulement la probabilité que l’issue d’une évolution sera moins bonne que prévu, mais aussi la probabilité que l’issue sera meilleure. Autrement dit, l’augmentation de l’incertitude offre aussi des opportunités.

Les acteurs économiques tels que les consommateurs et les chefs d’entreprise prennent constamment des décisions et adaptent leurs habitudes et leurs activités à l’évolution des conditions. D’une part, les entreprises et les consommateurs réagissent aux événements terminés : une entrée de commandes stimule normalement la production et une réduction de salaire entraîne un renoncement à consommer. En plus des événements qui se sont effectivement déroulés, nous réagissons cependant aussi en fonction d’événements qui n’ont pas encore eu lieu. Une entreprise dont le principal concurrent disparaît du marché accroîtra vraisemblablement sa production pour pouvoir répondre à une hausse éventuelle de la demande. Bien que le surcroît de demande ne se soit pas encore réalisé au niveau de l’entreprise, celle-ci s’y prépare d’ores et déjà. Cela signifie que nous réagissons à l’évolution des attentes. De plus, nous réagissons aussi à l’évolution de la variance de nos attentes, c’est-à-dire que nos actes sont influencés par l’évolution de l’incertitude.   

Des études scientifiques montrent que le regain d’incertitude rend les entreprises et les consommateurs plus prudents. Les entreprises renoncent à investir et à embaucher, et les consommateurs renoncent à consommer.. Pour l’ensemble d’une économie nationale, cela implique que le regain d’incertitude génère une diminution de l’emploi et des investissements. Par ailleurs, la consommation privée décroît. L’incertitude a donc des incidences sur l’économie réelle.

Les causes de l’incertitude résident souvent dans des décisions politiques. Certes, des facteurs tels que les catastrophes naturelles et les actes de terrorisme accroissent également l’insécurité générale, mais une bonne partie de l’incertitude provient de la politique. Le référendum sur le Brexit, l’initiative contre l’immigration de masse ou la décision de la Banque nationale d’abandonner le taux de change plancher sont tous des exemples montrant que les décisions politiques ont donné lieu à un regain d’incertitude.

Comment mesurer l’incertitude ?

Les indices confortent l’idée selon laquelle l’incertitude tend à être néfaste. Mais comment la mesurer ? Pour réduire l’incertitude et pour pouvoir réagir de manière appropriée en cas de poussée soudaine d’insécurité, il faut disposer d’indicateurs susceptibles de mesurer cette incertitude si difficile à saisir. Diverses mesures sont étudiées dans la littérature scientifique : un indicateur courant révèle la divergence, dans la durée, des attentes des entreprises interrogées dans le cadre d’enquêtes. Autres exemples : la mesure de la volatilité des marchés financiers (la VIX ou VSMI, p. ex.), la dispersion des erreurs de prévision des entreprises ou la divergence des pronostics de prévisionnistes professionnels. D’autres études suscitent actuellement beaucoup d’intérêt en proposant de calculer approximativement l’incertitude au moyen des articles de presse présentant une combinaison de mots déterminée.

L’incertitude médiatique

Depuis peu, le KOF évalue l’ensemble de ces mesures de l’incertitude par rapport à la Suisse dans le cadre d’un projet du FNS. Un des principaux indicateurs est l’indice EPU (« Economic Policy Uncertainty »), basé sur des articles de presse. L’indice s’appuie sur l’idée de dénombrer les articles contenant les mots incertitude, économie et des termes d’économie politique tels que impôts, réglementation ou budget (cf. G 3). L’indicateur essaie de reproduire l’insécurité ressentie d’une économie nationale et repose sur l’hypothèse que les journaux reflètent le sentiment général de la population. L’approche intuitive, la disponibilité immédiate ainsi que les longues séries temporelles rendent cet indicateur particulièrement attrayant d’un point de vue scientifique. Le KOF calcule chaque jour l’indice EPU pour la Suisse et le fournit à compter de l’année 1900. L’indicateur repose à cet effet sur les articles de la Neue Zürcher Zeitung et du journal Le Temps (les articles de La Gazette de Lausanne, du Journal de Genève et du Nouveau Quotidien étant ajoutés avant 1998).

Les premiers résultats montrent que les événements les plus variés ont entraîné une hausse de l’insécurité en Suisse au cours de 25 dernières années (cf. G 4). Il apparaît par exemple que des événements comme la crise immobilière des années 1990, la guerre en Irak et l’abandon du taux de change plancher début 2015 ont été sources d’augmentation de l’incertitude. L’indice EPU mesuré d’après les articles de la Neue Zürcher Zeitung et du quotidien Le Temps suggèrent toutefois en même temps que l’incertitude a de nouveau quelque peu décliné au cours des derniers mois. Les autres indicateurs ne présentent pas non plus de niveau préoccupant. D’un point de vue économique, nous devrions donc aussi nous rassurer un peu, ce qui entraînera, espérons-le, une atténuation de l’hystérie sociale, politique et sociétale liée à l’insécurité.

Tous les indicateurs peuvent être consultés ici.

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