Pourquoi le commerce mondial est-il aussi faible?

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Le commerce mondial affiche depuis quelque temps de faibles taux d’accroissement. Le présent article s’intéresse aux causes du fléchissement de la dynamique.

Source: Shutterstock
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Depuis environ six ans, le commerce mondial connaît un développement sensiblement inférieur à celui d’avant la Grande récession (cf. G 1).[1] Entre janvier 2002 et décembre 2007, le commerce mondial a connu une expansion de 7,0% en valeur annualisée, selon les chiffres du Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis (CPB) ; de 2011 à septembre 2016, cette valeur n’était que de 1.6%.

L’atonie du commerce mondial est-elle un phénomène spécifique ou reflète-t-elle simplement un affaiblissement général de l’activité économique mondiale ? Pour répondre à cette question, le KOF a évalué la corrélation entre le commerce mondial et la production industrielle mondiale à l’aide d’un modèle à coefficients variables dans le temps.[2] La production industrielle n’explique en tout cas qu’en partie la variance du commerce. Il apparaît en outre que l’élasticité,  entre le commerce et la production industrielle a sensiblement diminué à partir de mi-2009. Ainsi, selon notre modèle, une progression de 1% de l’activité économique est associée à une progression du commerce d’environ 1,6% en 2009, mais de seulement 1,2% en 2016.

Quelles régions de la planète ont le plus contribué à la faiblesse du commerce mondial ?

Les pays émergents asiatiques et la zone euro ont le plus contribué à l’extension de la tendance baissière du commerce mondial (cf. T 2). Presque 60% de la réduction des importations et environ deux tiers de la régression des exportations sont imputables à ces deux régions. Les estimations régionales indiquent en outre que le recul de l’élasticité entre commerce et production industrielle est générée par ces deux régions et le Japon. En revanche, aucune diminution (notable) de l’élasticité n’a été constatée pour les États-Unis ainsi que les autres régions.

Appréciation de la comparaison historique à long terme

Les analyses empiriques du commerce mondial utilisent, pour la plupart, des données commençant au plus tôt en 1970. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) publie en revanche une série de données annuelles relatives au volume des exportations mondiales, qui remontent à l’année 1950 (cf. G 2).

Une estimation de l’élasticité entre le volume des exportations mondiales et la production mondiale depuis 1950 révèle que l’élasticité a été plutôt basse jusque dans les années 1970 (cf. G 3). Cependant, la production mondiale a affiché une hausse relativement forte pendant cette période, si bien qu’il en a résulté une nette augmentation du volume des exportations mondiales en dépit de la faible élasticité. Depuis le début des années 1980, l’élasticité s’est accrue pour demeurer à un niveau relativement élevé jusqu’à la fin des années 2000. Ces données statistiques reflètent sans doute l’ouverture et l’intégration croissante de la Chine dans l’économie mondiale ainsi que la libéralisation du commerce à l’échelle planétaire.

Cette élasticité en hausse a eu pour effet que le commerce mondial est resté dynamique, bien que la production mondiale n’ait plus progressé autant entre 1980 et 2010 qu’avant 1980. À partir de la fin des années 2000, l’élasticité a de nouveau fléchi. Dans la mesure où la production mondiale n’a enregistré qu’une expansion relativement faible depuis 2012, il en a résulté des taux de croissance historiquement bas du commerce mondial pour les quatre dernières années, et l’année en cours n’y échappera certainement pas (cf. G 2).

Qu’en est-il du commerce extérieur Suisse ?

En Suisse, la progression du commerce extérieur durant la période qui a suivi la Grande récession s’est avérée nettement inférieure à celle des années précédentes. Le taux de progression trimestriel annualisé de l’ensemble du commerce suisse se situait en moyenne à 5,5% entre 2002 et 2007 ; il n’atteignait plus en moyenne que 3% durant la période 2011-2016, soit environ 2,5 points de pourcentage de moins.

Le recul des taux de croissance fut particulièrement marqué au niveau des exportations. Il convient de noter à cet égard que la période 2002-2007 a correspondu à une phase d’affaiblissement du franc suisse, alors que le franc s’est fortement apprécié durant les années 2011 à 2016, en particulier par rapport à l’euro. Il est intéressant de remarquer que le fléchissement du commerce extérieur en Suisse est exclusivement imputable au commerce de marchandises, alors que le commerce des services a connu une accélération.[3]

Une estimation du modèle pour la Suisse utilisé ci-dessus révèle que l’élasticité entre le commerce extérieur Suisse et la production a nettement chuté depuis la fin des années 2000. En tout les cas sur le plan qualitatif, l’évolution de la Suisse ressemble à celle de la zone euro.

Comment le commerce mondial évoluera-t-il à l’avenir ?

Selon cette analyse, il est probable que le commerce mondial reste plutôt faible à long terme. L’intégration commerciale en Europe et dans le monde devrait enregistrer une progression sensiblement moindre à l’avenir que durant les décennies précédentes. Il se pourrait même que des désintégrations aient lieu. En ce qui concerne le commerce européen important pour la Suisse, les pays de l’Europe méridionale devraient générer à long terme une demande d’importations inférieure à celle d’avant la Grande récession. Certains signes suggèrent en tout cas que l’Allemagne deviendra de plus en plus la locomotive de la demande.

L’accroissement des échanges commerciaux avec la Chine, qui représente environ 40% de l’agrégat des pays émergents asiatiques mentionné plus haut, sera ralenti par la mutation structurelle depuis une croissance stimulée par les investissements et l’industrie vers une croissance basée sur la consommation et les services. Cela s’explique par le fait que les biens de consommation chinois ont une part d’importation nettement inférieure à celle des biens d’investissement. Cette évolution structurelle offre aussi toutefois de bonnes perspectives à certains secteurs d’exportation suisses.

Modèles de prévision pour le commerce mondial

D’un point de vue méthodologique, les prévisions relatives au commerce mondial sont exigeantes : une prévision agrégée directe dispose d’un nombre relativement limité d’indicateurs mondiaux – en tout cas par rapport aux statistiques nationales. Par contre, l’établissement d’une prévision mondiale sur la base de prévisions désagrégées des importations et des exportations de tous les pays s’avère fastidieux. Le KOF a résolu ce problème à l’aide d’un modèle hybride. Il établit d’abord des prévisions d’exportations et d’importations pour les pays importants de l’économie mondiale et de l’Union européenne sur la base de modèles multiples. Il calcule ensuite un agrégat à partir du commerce des différents pays et modélise la corrélation de cette série avec le commerce mondial à l’aide d’un modèle d’estimation bayésien. Les prévisions pour le commerce mondial sont ensuite établies sur cette base.

[1] Le terme de « commerce (extérieur) » désigne ici la moyenne entre les exportations et les importations.

[2] Estimation basée sur les données mensuelles de la CEC de l'année 2000. La production industrielle mondiale sert de proxy pour l'activité économique nationale globale.

[3] Les analyses ci-dessus relatives au commerce mondial ne concernent que le commerce des marchandises. Une intégration du commerce des services pourrait modifier le bilan. Les données mondiales concernant le commerce réel des services sont toutefois lacunaires.

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