Impact des mesures de politique énergétique du point de vue des entreprises

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Une nouvelle étude menée au KOF en collaboration avec le WIFO (Autriche) et le ZEW (Allemagne) montre que la politique énergétique peut stimuler l’emploi de technologies énergétiques vertes, sans réduire pour autant la compétitivité nationale ou internationale des entreprises.

D’ici à 2020, la production annuelle en courant éolien pourrait atteindre les 600 GWh en Suisse. (Source: Shutterstock)
D’ici à 2020, la production annuelle en courant éolien pourrait atteindre les 600 GWh en Suisse. (Source: Shutterstock)

L’argument classique contre les mesures de politique énergétique porte sur la hausse escomptée des coûts de production (acquisition d’équipement plus coûteux tels, machines et véhicules, coûts d’entretien plus élevés, procédures d’homologation fastidieuses etc.) et la perte éventuelle de compétitivité qui en découle pour l’économie nationale. Cette hausse des coûts est toutefois compensée par des économies potentielles, car l’absence de réussite sur le marché peut avoir pour effet que les entreprises ne prennent pas les décisions optimales.

Porter et Van der Linde (1995) allèguent, dans un article scientifique souvent cité, que les interventions sur les marchés peuvent même générer de meilleures décisions. Sur la base de cet article, la littérature économique subdivise les effets de la politique environnementale en deux étapes (Jaffe et Palmer 1997). Dans un premier temps, la politique influe sur le recours à des technologies vertes (hypothèse faible de Porter). Dans un second temps, l’emploi de technologies vertes induit par la politique influe sur la performance des entreprises (hypothèse forte de Porter). Porter et Van der Linde avancent dans leur article que les deux effets peuvent être positifs (cf. G 3). L’influence négative des interventions de politique économique sur la compétitivité de l’économie nationale n’apparaît donc pas clairement dans ce cas.

Enlarged view: Effets sur les prix attendus
Source: KOF

Conjointement avec le WIFO (Autriche) et le ZEW (Allemagne), le KOF de Zurich a analysé l’incidence des mesures de politique énergétique sur les entreprises dans le cadre du PNR 71 (programme national de recherche « Gérer la consommation d’énergie »). Dans un premier temps, les chercheurs ont examiné les effets des mesures politiques sur l’emploi de technologies efficientes au niveau énergétique ou de technologies générant de l’énergie à partir de ressources renouvelables (technologies énergétiques vertes) dans les entreprises. Dans un second temps, ils se sont intéressés aux répercussions de l’engagement politique sur la productivité du travail et la compétitivité internationale des entreprises.

Cette étude s’est fondée sur une enquête menée à cet effet auprès d’entreprises d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse. Afin de garantir la comparabilité, les enquêtes ont été réalisées au même moment dans les trois pays sur la base d’un questionnaire identique. En outre, les données sont représentatives des structures industrielles des trois pays.1

Diffusion des technologies énergétiques écologiques en comparaison internationale

Les résultats de l’enquête révèlent que 40% des entreprises allemandes, 32% des entreprises autrichiennes et 25% des entreprises suisses ont recouru à au moins une nouvelle technologie énergétique verte durant la période 2012-2014 (cf. Arvanitis et al. 2016a). La part des investissements dans des technologies vertes s’est élevée en moyenne, pour l’ensemble des entreprises, à 6,2% des investissements totaux en Allemagne, 5,3% en Autriche et 2,7% en Suisse (cf. G 4). Globalement, il est permis de constater que le recours aux technologies énergétiques douces est relativement modeste en Suisse, notamment par rapport aux entreprises des pays voisins.

Enlarged view: Parts des investissements destinés à l'introduction de technologies vertes
Source: KOF

Impact des mesures de politique énergétique sur l’activité d’adoption

Selon l’hypothèse faible de Porter, la politique peut contribuer à accroître le bénéfice et donc l’emploi de technologies énergétiques. Une première étude a eu pour objet de le vérifier (cf. Woerter et al. 2016). Cette étude a abouti à la conclusion que les instruments politiques accroissent l’emploi de technologies vertes. Les effets positifs sur la probabilité qu’une entreprise introduise ce type de technologies proviennent de mesures fiscales, d’accords volontaires et de normes, ainsi que de subventions. Aucun effet significatif n’a pu être observé en ce qui concerne seulement la réglementation. Cela peut s’expliquer par le fait que les dispositions réglementaires étaient déjà respectées avant la période considérée, ou que la réglementation reflétait un statu quo technologique et ne fournissait aucune incitation supplémentaire. Par ailleurs, les résultats montrent que les mesures politiques agissent avant tout sur la propension et sur la probabilité d’introduction de technologies énergétiques vertes. Seules les subventions accroissent également l’intensité d’utilisation, c’est-à-dire qu’elles ont pour effet que les entreprises concernées investissent davantage dans la technologie écologique que des entreprises comparables non concernées.

Impact de la politique énergétique sur la productivité et la compétitivité internationale

La politique peut donc tout à fait servir d’instrument destiné à accroître l’emploi de technologies économes en énergie. La question est de savoir en quoi cela influe sur la performance économique des entreprises. L’impact de la politique énergétique sur la performance économique des entreprises a été analysé dans le cadre de deux études complémentaires. En corollaire de l’hypothèse forte de Porter, les chercheurs se sont demandé si l’emploi de technologies énergétiques vertes stimulé par la politique a un impact positif ou non sur la performance des entreprises. Arvanitis et al. (2016b) ont examiné la corrélation entre les investissements dans les technologies énergétiques et la productivité du travail. Dans l’ensemble, les effets indirects des mesures politiques sur la productivité des entreprises semblent très modérés. Tandis que la réglementation, les mesures volontaires et les subventions ne présentent aucune contribution positive supplémentaire, les investissements induits par des mesures fiscales fournissent des effets positifs.

Les questions relatives au lien entre les mesures de politique énergétique et la compétitivité internationale des entreprises sont au centre de nombreux débats et ont été analysées par Rammer et al. (2016). Les mesures politiques peuvent accroître les coûts et produire un effet potentiellement négatif sur la compétitivité des entreprises. Concernant la période obervée 2012-2014, les évaluations économétriques ne révèlent aucune corrélation significative. Cela peut s’expliquer par le fait que, d’une part, les surcoûts occasionnés sont négligeables pour la moyenne des entreprises et que, d’autre part, les coûts plus élevés ne se sont pas répercutés sous forme d’une hausse des prix.

L’hypothèse forte de Porter n’a donc pas été confirmée par les données. À l’inverse de l’argument classique des adversaires de mesures de politique énergétique, aucun impact négatif n’a toutefois été observé non plus.

Conclusion

Les résultats montrent donc dans l’ensemble que la politique énergétique peut stimuler l’emploi de technologies énergétiques vertes, sans réduire pour autant la compétitivité nationale ou internationale des entreprises. D’une manière générale, il est à prévoir que cette stimulation s’avère nécessaire pour que les technologies énergétiques vertes soient utilisées à une plus grande échelle. Les données révèlent en effet que la part des coûts énergétiques dans le chiffre d’affaires est en moyenne très réduite : 1,3% en Allemagne, 2,7% en Autriche et 1,4% en Suisse. Du point de vue des chefs d’entreprise, l’incitation à investir de soi-même dans des technologies énergétiques vertes semble faible. À cet égard, il convient de remarquer que le potentiel d’économie est peut-être minime au cas par cas, mais qu’il peut en résulter une contribution notable à une économie durable plus respectueuse de l’environnement à l’échelle de l’ensemble des entreprises.

(1) Au total, l’enquête a été adressée à 6374 entreprises allemandes, 7091 entreprises autrichiennes et 5789 entreprises suisses. Des informations exploitables ont été reçues de 2321 entreprises allemandes (taux de réponse : 36%), 539 entreprises autrichiennes (taux de réponse : 8%) et 1815 entreprises suisses (taux de réponse : 31%) (cf. Arvanitis et al. 2016a).

Bibliographie:

Arvanitis, S., M. Peneder, C. Rammer, A. Spescha, T. Stucki and M. Woerter (2016a): Creation and Adoption of Energy-related Innovations – the Main Facts, KOF Studies No. 77, Zürich.

Arvanitis, S., M. Peneder, C. Rammer, A. Spescha, T. Stucki and M. Woerter (2016b): Development and Utilization of Energy-related Technologies, Economic Performance and the Role of Policy Instruments, KOF Working Paper No. 419, Zürich.

Jaffe, A. B. and K. Palmer (1997): Environmental regulation and innovation: a panel data study. Review of Economics and Statistics, 79(4), 610-619.

Porter, M. E. and C. van der Linde (1995): Toward a new conception of the environment-competitiveness relationship, The Journal of Economic Perspectives, 9(4), 97-118.

Rammer, C., S. Gottschalk, M. Peneder,M. Woerter, T. Stucki and S. Arvantitis (2016): Does Energy Policy Hurt International Competitiveness of Firms? A Comparative Study for Germany, Switzerland and Austria, KOF Working Paper No. 418, Zürich.

Woerter, M., T. Stucki, S. Arvanitis, C. Rammer and M. Peneder (2016): The adoption of green energy technologies: the role of policies in an international comparison, KOF Working Paper No. 411, Zürich.

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Prof. Dr. Martin Wörter
Lecturer at the Department of Management, Technology, and Economics
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