Comparer des pommes avec des pommes dans l’évaluation de l’accès préférentiel au marché

KOF Bulletin

Mettre des chiffres sur l’efficacité dont les dirigeants politiques font preuve pour encourager le commerce international est important, et de l'exprimer avec des statistiques n’est pas chose aisée. P. Egger et F. Tarlea présentent une nouvelle méthodologie pour identifier l’effet de causalité des accords préférentiels d’intégration économique.

Le fait de quantifier l’efficacité politique par rapport au développement du revenu économique est une démarche importante. [1] Une récente étude universitaire a mis en évidence que la participation à des accords préférentiels d’intégration économique (PEIA) était profitable à leurs membres (Frankel et al. 2004, Baier et Bergstrand 2004). Dans la pratique, l’accès préférentiel au marché peut être garanti par un accord commercial préférentiel, un accord d’investissement bilatéral, une convention de double imposition, ou toute autre combinaison entre ces accords. Les pays proches – qui ont une frontière commune, un héritage culturel commun ou une langue commune – sont prédestinés ou plus susceptibles de conclure ce genre d’accord. Par conséquent, on constate une sélection naturelle des pays propres à adhérer au même accord. Si ce constat est plausible et unanimement accepté dans la littérature, il rend difficile la mesure de l’impact des PEIA. En raison de ce problème d’auto-sélection, une spécification empirique linéaire des flux commerciaux, fonctionnant à titre d’indicateurs PEIA, et même tributaire d’une fonction linéaire des moteurs communs de flux commerciaux et d’adhésion à des PEIA, peut ne pas révéler l’effet partiel de causalité des PEIA sur les flux commerciaux.

Des études récentes ont montré que ce problème pouvait être évité en recourant à des techniques d’estimation modernes (non linéaires, sinon non paramétriques). Elles reposent sur l’idée que la propension à l’adhésion à des PEIA pouvait être modélisée à titre de fonction des codéterminants des flux commerciaux et de l’adhésion à des PEIA. Tant qu’il était garanti que la similarité dans cette propension impliquerait une similarité pour chacun des déterminants observables – souvent qualifié d’« équilibrants » –, elle pouvait servir de critère pour identifier les membres et les non-membres similaires. Ensuite, une comparaison de résultats économiques de membres et de non-membres similaires révèlerait l’impact partiel de causalité des PEIA sur le résultat économique.

Dans leur nouvelle étude, Peter Egger et Filip Tarlea démontrent que les variables observables communément utilisées (taille économique, distance etc.) affectent la propriété d’équilibrage requise et, partant, la comparaison de couples de pays membres et non membres avec des propensions similaires à l’adhésion à des PEIA équivalait à comparer des pommes et des oranges (Egger et Tarlea 2017). En fait, ils montrent que les procédures courantes d’estimation d’effets de causalité induisent une distorsion qui leur est propre et qui est totalement imputable à la nature déséquilibrée des déterminants observables d’adhésion à des PEIA. Un échantillonnage couvrant l’univers des pays appariés sur une période allant de 1961 à 2010 leur permet de tester l’hypothèse d’équilibrage des déterminants communs observables d’adhésion à des PEIA et de flux commerciaux pour 7 combinaisons de PEIA en guise de traitements (et 19, si l’on admet différentes profondeurs de PTA). Pour chaque année, ils effectuent un traitement PEIA et un test de comparaison moyenne (de même qu’un test de comparaison d’écart) par rapport à l’hypothèse zéro (aucune différence dans les déterminants observables entre les membres et les non-membres de PEIA). Egger et Tarlea le font avec trois comparaisons : dans un premier cas, ils ne conditionnent pas les données observables d’adhésion à des PEIA (ce serait comparer des pommes avec des oranges) ; dans un deuxième cas, ils pondèrent inversement les déterminants observables de la propension estimée à adhérer à un PEIA (c’est encore une comparaison de pommes et d’oranges, si les déterminants observables ne sont pas similaires pour les membres et les non-membres de propension similaire) ; et dans un troisième cas, ils forcent la similarité pour chaque déterminant observable d’adhésion à un PEIA en pondérant les données (dans ce cas, on compare des pommes et des pommes). La dernière méthode d’équilibrage forcé des déterminants observables repose sur l’équilibrage par entropie introduit par Hainmüller (2012).

Le graphique 6 présente une illustration du résultat de ces trois types de tests de comparaisons moyennes des déterminants observables des membres et des non-membres de PEIA. Il existe 3757 tests de comparaison avec sept sortes de PEIA (et 9756 tests pour 19 sortes de PEIA), les auteurs déterminent la distribution (noyau de densité) des valeurs de probabilité (p-values). Dans l’hypothèse zéro (comparaison de pommes et de pommes), ils n’escomptent pas que les tests soient statistiquement significatifs, présentant une valeur de probabilité élevée. Dans le graphique 6, les surfaces suggèrent que virtuellement aucun des déterminants observables n’est déséquilibré une fois l’équilibrage forcé, mais ce n’est pas le cas dans les autres procédures. Ceci parait évident, étant donné la propension élevée des valeurs de probabilité (aucun rejet de comparabilité des déterminants observables entre les membres et les non-membres de PEIA comparés), avec l’emplacement vert par rapport aux autres. Cela laisse à penser qu’un problème potentiel existe dans l’étude antérieure, qui ne forçait pas l’équilibrage des caractéristiques observables employées dont dépendaient les résultats économiques et l’adhésion à des PEIA.

Les auteurs ne s’arrêtent pas là, mais démontrent que, dans la large base de données disponible, les deux méthodes courantes mènent à des résultats faussés. L’effet partiel de chacun des sept types de PEIA sur les flux commerciaux sera systématiquement surestimé par un estimateur non pondéré, qui se contente de conditionner les déterminants observables sur une fonction log-linéaire quand il régresse les flux commerciaux sur des indicateurs d’adhésion à des PEIA (cf. G 7). L’estimateur inverse (adhésion PEIA) pondéré de la propension ne fera toutefois pas mieux. Il génèrera des résultats difficiles à croire, suggérant par exemple que deux pays ayant conclu à un accord commercial préférentiel et une convention bilatérale d’investissement en même temps feront 1% de commerce de moins que les même deux pays n’ayant conclu aucun type de PEIA.

Les erreurs-types concernant les coefficients estimés du dernier estimateur sont de loin les plus grandes. À 1%, 5% ou même 10%, tous les coefficients estimés de régression inverse pondérée de la propension ne sont pas statistiquement significatifs.

Enfin, Egger et Tarlea évaluent la signification quantitative de ces estimations en termes de réactions de la consommation réelle pour chaque pays à une adhésion à un PEIA – en tant que mesure utilitariste du bien-être ou de la prospérité (cf. G 8). Concernant cette illustration, ils utilisent des données relatives à l’année 2006 pour montrer la pertinence de l’équilibrage des déterminants observables. Ce faisant, ils montrent que l’estimateur non pondéré surestime toujours l’impact des PEIA sur la prospérité d’un pays. Absent pour des raisons de représentation graphique, l’estimateur inverse pondéré de la propension fait même pire et surestime ou sous-estime les effets des PEIA selon un facteur pouvant respectivement atteindre 20 et 170.

Enfin, Egger et Tarlea évaluent la signification quantitative de ces estimations en termes de réactions de la consommation réelle pour chaque pays à une adhésion à un PEIA – en tant que mesure utilitariste du bien-être ou de la prospérité (graphique XXX). Concernant cette illustration, ils utilisent des données relatives à l’année 2006 pour montrer la pertinence de l’équilibrage des déterminants observables. Ce faisant, ils montrent que l’estimateur non pondéré surestime toujours l’impact des PEIA sur la prospérité d’un pays. Absent pour des raisons de représentation graphique, l’estimateur inverse pondéré de la propension fait même pire et surestime ou sous-estime les effets des PEIA selon un facteur pouvant respectivement atteindre 20 et 170.

[1] Cet article a été publié en anglais et publié sur le site external pagevoxeu.org.

 

Bibliographie

Baier, S. L. and J. H. Bergstrand (2004): Economic determinants of free trade agreements. Journal of International Economics 64(1): 29-63, Oktober.

Egger, P. H. and F. Tarlea (2017): Comparing Apples to Apples: Estimating Consistent Partial Effects of Preferential Economic Integration Agreements. CEPR Discussion Paper Nr. 11894.

Frankel, J. A., E. Stein and S-J. Wei (1996): Regional Trading Arrangements: Natural or Supernatural. American Economic Review 86(2): 52-56.

Hainmüller, J. (2012): Entropy balancing for causal effects: A multivariate reweighting method to produce balanced samples in observational studies. Political Analysis 20(1): 25-46.

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