Industrie pharmaceutique

L'industrie pharmaceutique, moteur de la croissance suisse

L'industrie pharmaceutique est devenue le plus grand secteur industriel de Suisse. La demande de ses produits n'est guère soumise aux fluctuations conjoncturelles et les baisses de prix ont jusqu'à présent pu être surcompensées par des augmentations de volume de production. L'emploi dans la branche a fortement progressé et les produits pharmaceutiques contribuent largement à l'excédent du commerce de marchandises de la Suisse. La taille de cette branche n'est cependant pas sans risque.

Depuis des années, l'industrie pharmaceutique connaît une forte croissance. Alors qu'elle ne contribuait qu'à hauteur de 2,3 points de pourcentage à la création de valeur en 2000, sa part est passée à 4,8% en 2020. La croissance nominale annuelle s'élevait en moyenne à 5,9%, et même à 9,8% après correction des prix. Durant la même période, la valeur ajoutée de l'ensemble de l'économie a augmenté en moyenne de 2,0% (nominal) et de 1,6% (réel). L'emploi en équivalent temps plein dans l'industrie pharmaceutique a augmenté de 91% sur la même période.

Les entreprises pharmaceutiques suisses les plus connues ont pratiquement toutes vue le jour en tant qu'entreprises industrielles chimiques, dans lesquelles la fabrication de produits pharmaceutiques est venue s'ajouter plus tard comme une branche parmi d'autres. L'industrie chimique fabriquait différents produits en plus des colorants d'origine, outre les produits pharmaceutiques, des substances actives pour le secteur agricole et un large éventail d'autres produits chimiques, jusqu'aux matières plastiques et à leurs précurseurs. Au cours des dernières décennies, les secteurs pharmaceutiques ont été séparés des autres et ont continué à fonctionner en tant qu'entreprises indépendantes et ont fusionné avec d'autres entreprises pharmaceutiques.

La valeur ajoutée et l'emploi dans l'industrie pharmaceutique ont fortement augmenté au cours des 20 dernières années

La création de valeur dans l'industrie pharmaceutique a atteint un niveau considérable et a contribué à ce que la part de l'ensemble de l'industrie dans la performance économique se maintienne pratiquement stable à 18,5% depuis 2000 (cf. graphique G 1).

Enlarged view: G 1 : Valeur ajoutée brute de lîndustrie, valeur nominale

La forte augmentation de la valeur ajoutée de l'industrie pharmaceutique s'est accompagnée d'une croissance considérable de l'emploi. Entre 2000 et 2020, le volume de travail utilisé dans l'industrie pharmaceutique a presque doublé. Dans l'industrie chimique, comme dans la plupart des autres branches industrielles, l'emploi a diminué durant cette période. De manière générale, l'emploi dans l'industrie a toutefois augmenté durant la période de 2004 à 2008, lorsque le franc a connu une phase de faiblesse. Durant la crise financière, tout comme durant les périodes d'appréciation ultérieures du franc, l'emploi a de nouveau baissé, sauf dans l'industrie pharmaceutique.

L'évolution des prix des produits pharmaceutiques correspond au schéma typique des produits de haute technologie. Les nouveaux produits protégés par un brevet sont importés à un prix élevé, lequel diminue d'abord lentement, et plus rapidement par la suite - vers la fin de la période de protection du brevet. Alors que l'évolution des prix des exportations et des importations de marchandises est souvent calculée à l'aide des indices dits de valeur moyenne, ceux-ci ne sont pas utilisés pour tous les groupes de produits dans la comptabilité nationale. Les flux de marchandises des produits chimiques, des produits pharmaceutiques, des machines, de l'électronique, des montres et des instruments de précision sont corrigés à l'aide de données provenant de l'indice des prix à la production ou de l'indice des prix à l'importation.

La productivité dans l'industrie pharmaceutique suisse est très élevée. En 2019, la productivité du travail était la plus élevée parmi les branches recensées par l'Office fédéral de la statistique (OFS) (cf. graphique G 2). Par équivalent temps plein, la valeur ajoutée s'élevait en 2020 à 734 000 francs. Les autres branches à forte productivité sont l'approvisionnement en énergie, les assurances, le commerce de gros, les télécommunications ainsi que la recherche et le développement, dont la productivité du travail est toutefois inférieure de moitié. Seul le commerce de transit, qui se situe en grande partie dans le commerce de gros, devrait avoir une productivité encore un peu plus élevée.

Enlarged view: G 2: Productivité du travail, valeur nominale

La productivité réelle a augmenté encore plus fortement en raison de la baisse des prix des produits pharmaceutiques. Cela signifie que chaque employé a augmenté sa production bien plus que la moyenne, mais que les recettes ont été partiellement compensées par la baisse des prix.  

Les produits pharmaceutiques contribuent pour plus d'un tiers aux exportations suisses de marchandises

Les exportations traditionnelles de marchandises suisses ont fortement progressé dans les années précédant la crise financière. La période allant de 2003 à fin 2007 a été marquée par la faiblesse du franc, qui s'est progressivement déprécié par rapport à l'euro durant cette période, passant de 1,47 à 1,66 franc/euro. Durant cette période, la part de l'emploi industriel dans l'emploi total a même augmenté temporairement. Par la suite, la hausse a de nouveau été plus forte dans les branches des services. Seules les productions horlogère et pharmaceutique et leurs exportations ont continué à augmenter depuis lors. La part des produits pharmaceutiques dans les exportations traditionnelles de marchandises a donc continué à augmenter et s'élève actuellement à environ 36%, contre 11% en 2000.

Toutefois, l'examen des exportations ne suffit pas pour évaluer l'importance de l'industrie pharmaceutique en termes de valeur ajoutée. Aux exportations s'ajoutent les ventes intérieures - certes relativement faibles. Il est toutefois plus important de noter que les prestations de l'industrie pharmaceutique se retrouvent dans d'autres catégories d'exportations. Les entreprises de l'industrie pharmaceutique possèdent une série de brevets dont les recettes provenant de l'étranger sont comptabilisées dans les exportations de services sous les recettes de licences et de brevets. Il existe en outre un déplacement des exportations de marchandises de produits pharmaceutiques vers le commerce de transit. Ce cas se produit lorsque des produits pharmaceutiques fabriqués à l'étranger sont achetés par une entreprise suisse et revendus à une autre entreprise étrangère, mais que les produits concernés ne sont pas transportés physiquement à travers la Suisse comme auparavant, mais expédiés directement du site de production à l'acheteur étranger. De telles transactions peuvent avoir lieu au sein d'un groupe ou entre des entreprises indépendantes.

Traditionnellement, la Suisse avait un déficit dans le commerce de marchandises. Dans les années 1990, celui-ci a disparu et le commerce de marchandises était pratiquement équilibré. A partir de 2002, l'excédent a fortement augmenté et a atteint un maximum de 100 milliards en 2021. Sur ce total, 45 milliards provenaient du commerce traditionnel de marchandises et 58 milliards du commerce de transit, tandis que le solde des objets de valeur était de moins 4 milliards de francs. L'industrie pharmaceutique a fourni une contribution importante à l'excédent 2021, avec 54 milliards de francs. Les produits immunologiques, dont l'excédent s'est élevé à 33 milliards de francs, ont fourni le montant le plus important, tandis que les médicaments ont affiché un excédent d'exportation de 21 milliards de francs. Sans les excédents de l'industrie pharmaceutique, le commerce traditionnel de marchandises avec l'étranger aurait été déficitaire. La forte augmentation dans les produits immunologiques en 2021 était due en premier lieu à la pandémie de COVID-19. Tant les appareils de diagnostic, les tests COVID-19 que, désormais, les vaccins COVID-19 (cf. graphique G 3) ont entraîné une hausse des exportations de 9 milliards de francs, contrebalancée par une augmentation des importations de 1,6 milliard. Pour les médicaments, l'excédent a en revanche été plus faible pendant la pandémie : par rapport à 2019, l'excédent est passé de 26 milliards de francs, principalement en raison de la hausse des importations, à moins de 21 milliards de francs lors des deux années suivantes.

Enlarged view: G 3 : Exportations de vaccins pour la médecine

Certaines régions suisses sont très dépendantes de l'industrie pharmaceutique

La forte position de l'industrie pharmaceutique comporte toutefois un risque. Dans certaines régions de Suisse, cette industrie est prédominante. L'exemple le plus important est celui de la région de Bâle, où l'on trouve de nombreux sites de production de cette branche non seulement en Suisse, mais aussi de l'autre côté de la frontière avec l'Allemagne et la France. Certes, il y a aussi des entreprises dans d'autres branches, mais si l'industrie pharmaceutique dans son ensemble devait être affectée par un revers majeur, l'impact serait sensible dans la région bâloise. Un autre exemple est celui de Viège, dans le canton du Valais. Dans cette région, une entreprise de l'industrie pharmaceutique et en train de devenir de plus en plus dominante. Pour l'instant, ceci une aubaine pour cette région plutôt structurellement affaiblie après le départ d'autres entreprises industrielles. Mais cette nouvelle constellation comporte aussi des risques pour l'avenir.

D'autre part, il est bien connu qu'une région avec une grande densité d'entreprises basées sur la connaissance d'une orientation spécifique attire d'autres entreprises de la même orientation. Ces « clusters » ont vu le jour dans de nombreuses régions et les entreprises concernées profitent à la fois d'un transfert de connaissances entre les sociétés participantes et leurs employés et d'une offre plus importante de main-d'œuvre qualifiée. De plus, dans la mesure où l'industrie pharmaceutique présente la productivité sectorielle la plus élevée de Suisse et qu'elle est donc elle-même un moteur de l'appréciation du franc, les craintes qu'elle ne succombe à la concurrence internationale ne sont pas élevées pour le moment.

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Yngve Abrahamsen
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