Secteur de la construction

Le secteur de la construction suisse depuis la pandémie de COVID-19 : un bilan provisoire

L'évolution du marché de l'immobilier et du logement locatif dans notre pays fait actuellement l'objet de nombreuses discussions. Cet article a pour objectif de compléter ce débat en replaçant le secteur de la construction suisse dans la phase de mutation actuelle.

Le secteur de la construction suisse a lui aussi été secoué par la crise du COVID-19 au printemps 2020, mais la branche s'est rapidement adaptée à la situation et a fait preuve d'une grande solidité par rapport à d'autres secteurs. Les fermetures de gros chantiers ont été peu nombreux, de sorte que le travail dans la construction n'a été que ponctuellement paralysé en Suisse. En revanche, la crise a eu des effets indirects plutôt encourageants pour le secteur, comme par exemple, sur la demande sur le marché de l'immobilier et sur celui des hypothèques. Les habitudes de vie des personnes ayant changé durant la pandémie de COVID-19, celles-ci ont favorisé une demande accrue de travaux d'aménagement intérieur, de surfaces habitables plus importantes et surtout de logements en propriété. Ce dernier point fait désormais grimper les prix de l'immobilier en Suisse en raison de la pénurie de logements disponibles.

Indicateurs d'une conjoncture dynamique dans la construction

Un dynamisme actif a été perceptible sur de nombreux fronts dans le secteur de la construction au cours des trois dernières années. De nombreux indicateurs relatifs à la conjoncture dans la construction, tirés des enquêtes conjoncturelles du KOF, évoluent de manière réjouissante depuis la brève chute due à la crise du printemps 2020. Selon les rapports réguliers des entreprises de construction, la majorité d'entre elles estiment que la situation de leurs affaires et leurs carnets de commandes sont de « satisfaisants à bons » - et ce de manière nettement plus unanime qu'avant la crise. De nombreux indicateurs conjoncturels sont sur une tendance continue à la hausse depuis le printemps 2020, de sorte qu'ils se situent aujourd'hui déjà bien au-dessus des valeurs d'avant la crise.

Cette tendance s'observe également pour l'emploi dans le secteur de la construction. Parallèlement, les participants à l'enquête et d'autres voix du secteur signalent de plus en plus souvent qu'ils atteignent par endroits leurs limites de capacité. Dans le cadre de la reprise de la demande mondiale, les retards de livraison globaux et la pénurie de produits intermédiaires et de matériaux de construction ont amené les entreprises à leurs limites de production en 2021. Entre-temps, le manque aggravé de personnel est au premier plan des obstacles à la performance des entreprises de construction.

Investissements et production dans la construction depuis les effets de temporisation liés au COVID-19

Face à ces observations se trouvent les données qui représentent le volume produit (côté production) et les investissements (calcul de l'utilisation du PIB) dans le secteur suisse de la construction. Elles sont collectées par l'Office fédéral de la statistique (OFS) et publiées sur une base annuelle, toujours pour l'année précédente. En accord avec les chiffres annuels de l'OFS, le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) publie l'évolution de la production et des investissements dans la construction sur les quatre trimestres d'une année (graphique G 10).  

Depuis la brusque reprise après le choc initial de la pandémie de COVID-19 du deuxième trimestre 2020, le secteur de la construction a, selon les chiffres actuels, évolué beaucoup plus faiblement que ce que les indicateurs mentionnés précédemment pourraient laisser penser. Les données nominales montrent une évolution modeste, mais tout de même légèrement positive, des investissements et de la production dans la construction au cours des trois dernières années. Toutefois, si l'on considère les valeurs réelles - c'est-à-dire l'activité d'investissement et la production, déduction faite de l'effet supplémentaire lié au fait que les prestations de construction sont devenues nettement plus chères durant cette période - on constate que l'investissement et la production sont effectivement à nouveau en baisse depuis plusieurs trimestres.

Le renchérissement actuel produit une image ambivalente

L'écart qui apparaît entre l'évolution nominale et l'évolution réelle cache donc le fait que les prix de la construction en Suisse ont également été soumis à un bouleversement au milieu des turbulences liées à la pandémie, bouleversement qui se révèle aujourd'hui plus radical que ce que l'on pouvait supposer au départ. Les flambées globales des prix des produits intermédiaires, des matières premières et des matériaux de construction tels que l'acier, les matières plastiques et le bois, qui sont apparues avec la crise, ont entraîné un net renchérissement des prestations de construction dans le secteur suisse de la construction à partir de la mi-2021 (graphique G 11).

Jusqu'en octobre 2022, les prix de la construction enregistrés par l'indice des prix de la construction de l'OFS ont augmenté de 3,2% en six mois et même de 8,3% par rapport au niveau des prix d'octobre 2021. Depuis le début de la série chronologique en 1998, c'est le taux de renchérissement le plus élevé enregistré par cet indice. Ainsi, la longue période d'énorme pression sur les marges et donc de prix bas, voire de baisse, dans le secteur suisse de la construction (2009-2020) est provisoirement terminée.

Certes, les taux d'inflation des prix des matières premières et des matériaux de construction se normalisent progressivement depuis le milieu de l'année 2022, mais la hausse des prix de la construction se maintient pour l'instant. En effet, la demande accrue de prestations de construction combinée à la pénurie de main-d'œuvre devrait également élargir la marge de manœuvre pour les hausses de prix des entreprises de construction en raison du taux élevé d'utilisation des capacités.

Les attentes des entreprises de construction en matière de prix, telles qu'elles ressortent des résultats des enquêtes conjoncturelles du KOF, constituent un bon indicateur de l'évolution attendue des prix. Depuis le printemps 2020, cet indicateur augmente de manière si forte et continue qu'il atteint un nouveau record absolu presque à chaque mois de référence (graphique G 12). En février de cette année, 32% des entreprises de construction s'attendaient à ce que leurs prix augmentent au cours des trois prochains mois et 64% à ce qu'ils se maintiennent à leur niveau actuel pour le moment.

La longue montée en puissance

Le fait que les taux de variation nominaux et réels dans le secteur de la construction ne suivent plus le même rythme est donc un phénomène quelque peu tombé dans l'oubli, mais qui n'est pas nouveau. Dans le sillage de l'essor de l'économie mondiale entre 2000 et 2008, la forte demande mondiale a notamment entraîné une forte hausse des prix des matières premières telles que les métaux et les substances chimiques. En Suisse aussi, cela a entraîné une hausse continue des prix de la construction entre 2005 et 2008 (cf. graphique G 11).

A cette époque également, les données réelles de production et d'investissement étaient en baisse, alors que les données nominales suggéraient une évolution positive. Après cette phase de faiblesse, la récession mondiale de 2007/2008 n'a étonnamment pas laissé d'égratignures dans le secteur suisse de la construction. Au contraire : guidé par des facteurs fondamentaux tels que la forte immigration et alimenté par l'ère des taux d'intérêt bas, un boom durable de la construction a commencé en Suisse en 2008 et a atteint son apogée entre 2018 et 2019.

Depuis lors, les investissements dans la construction sont à nouveau en recul, même s'il faut plutôt y voir une normalisation à partir d'un niveau très élevé. Le KOF part du principe que le ralentissement qui se dessinait déjà dans le secteur de la construction n'a pas été aggravé par la pandémie et qu'il n'y a pas non plus de récession dans la construction. Des facteurs de soutien tels que la forte croissance démographique, la pénurie de logements, les bonnes conditions du marché du travail et la résistance de l'économie suisse vont à l'encontre de cette hypothèse. Selon l'estimation du KOF, un « atterrissage en douceur du marché »1 sur le creux de la vague, suivi d'une reprise dynamique de l'activité de construction, est probable.

 

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1 Dans l'étude « 20 ans de boom de la propriété du logement : quelle suite ? » (Raiffeisen, 2016), la Banque Raiffeisen décrit son pronostic par un « atterrissage en douceur du marché ». Elle se réfère ici au marché suisse de l'immobilier et de la construction.

Bibliographie

Raiffeisen (2016). « 20 ans de boom de l'accession à la propriété : quelle suite?
external pagehttps://www.raiffeisen.ch/content/dam/www/rch/ueber-uns/news/de/Immobilienstudie-de.pdf

Agence allemande des matières premières (DERA) (2013). « Causes des pics, des chutes et des tendances des prix des matières premières minérales »    
external pagehttps://www.deutsche-rohstoffagentur.de/DE/Gemeinsames/Produkte/Downloads/DERA_Rohstoffinformationen/rohstoffinformationen-17.pdf?__blob=publicationFile

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